Sunday, December 15, 2013

à quoi bon ?


En lisant le bouquin de Pierre Journel, Internet et les Réseaux Sociaux pour les Musiciens (voir chronique ici), je me suis fait une bête réflexion : être musicien dans le milieu professionnel demande quand même une quantité d’efforts impressionnante. Je dis bien « musicien dans le milieu professionnel » pour m’inclure dans le lot : je ne suis pas musicien professionnel puisque je ne mange pas grâce à ma musique. Je fais de la musique avec de nombreuses activités qui ont toutes trait à la musique, mais le fait de jouer de la guitare n’a pas mis le burger dans mon assiette. Mais déjà à cette petite échelle, c’est un boulot complexe, protéiforme et surtout très ingrat. Il faut déjà être bon à la base (donc travailler son instrument, s’imprégner de plein de musiques, composer), mais surtout être disponible, gérer les égos démesurés et les fiertés blessées, gérer sa présence virtuelle, son visuel, booker ses concerts, essuyer de nombreux refus et faire face à des critiques souvent infondées, le tout en gardant le sourire pour ne pas passer pour un sale con, dire le moins de mal possible de tout le monde en sachant bien que si votre interlocuteur balance de telles vacheries sur vos collègues face à vous, il ne se gêne pas pour vous poignarder dès que vous avez le dos tourné.
Pour résumer : c’est un boulot qui vole votre âme exercé dans un milieu de putes. Et je n’ai même pas encore parlé de la torture mentale d’avoir à jouer en studio (ce qui consiste à devoir donner le meilleur de soi-même dans les conditions les moins naturelles possibles) ou l’horreur physique d’une tournée dans des conditions modestes (dormir dans des deux étoiles dans le meilleur des cas, manger des carottes râpées au Twix à chaque repas…). Vous l’avez compris : objectivement, une personne normalement constituée serait plus inspirée de se faire arracher les globes oculaires sans anesthésie plutôt que de choisir cette occupation. Mais alors, pourquoi certains persistent ? En d’autres termes : à quoi bon ?
C’est à la fois très simple lorsqu’on l’a déjà connu et impossible à expliquer pour les autres : c’est ce plaisir ultime lorsque le son est bon, lorsque le groupe est bon, lorsque le public est bon, et qu’une note qui en temps normal serait passée inaperçue devient alors plus forte que jamais, résume à elle toute seule l’univers pendant quelques millisecondes et fait inévitablement oublier tout ce qu’il y autour. Le plaisir de partager la musique, le plaisir de se perdre dans le moment sans penser à rien d’autre, l’alchimie qui opère finalement sans autre raison apparente qu’elle-même. Parfois, le bonheur est simple.

1 comment:

  1. Bravo, ceci est juste vrai.

    Keep on rockin !

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