Saturday, June 1, 2019

Pourquoi Roky Erickson est important

Roky Erickson est mort cette nuit, le 31 mai 2019, à l'âge de 71 ans. Et je dois avouer que j'ai été surpris de constater le nombre assez impressionnant d'hommages qui lui ont été rendus. Je ne pensais pas que nous étions si nombreux à admirer ce songwriter hors pair, tant il est généralement oublié des rétrospectives et autres classements qui permettent de découvrir ce genre de météorites.
Il faut dire que la carrière d'Erickson n'est pas des plus faciles à suivre : trois albums fantastiques avec les 13th Floor Elevators, deux albums avec The Aliens, et quelques albums solo pas forcément faciles à trouver et noyés parmi des compilations de chutes de studio sans grand intérêt. Pourtant Roky Erickson est important. Il faut parler de lui, le faire découvrir, et permettre à ceux qui n'ont pas encore rencontré sa musique de rentrer dans le club. Et ce pour plusieurs raisons :
Roky est important puisqu'il était schizophrène paranoïaque et qu'il est parvenu à traduire sa folie en musique, dans un premier temps du moins. Il est le Syd Barrett américain, et il partage avec l'ex Pink Floyd ce début de carrière fulgurant et passionnant suivi d'une longue traversée du désert. La fin de Erickson sera un peu plus heureuse puisqu'il finira par remonter sur scène et qu'il continuera malgré tout de produire des albums. On voit souvent la maladie mentale de ces génies comme un phénomène romantique, un reste charmant de la grande époque des drogues psychédéliques, mais il suffit de regarder le documentaire You're Gonna Miss Me pour comprendre que la réalité n'a rien de sexy : on y voit Erickson au milieu d'un bordel sans nom de papiers divers et variés, scotché devant son écran de télévision, au crochet de sa mère qui est contrainte de s'occuper de lui.

Erickson est important parce qu'il représente à lui seul le psychédélisme texan. Alors que l'on associe généralement ce style à San Francisco (et Los Angeles dans un moins mesure), les 13th Floor Elevators avaient un son plus brut, plus chaud, blues et même proche du garage rock que j'ai toujours préféré à l'acidité des Jefferson Airplane et autres Grateful Dead (même si bien sûr ces groupes ont toujours eu des guitaristes passionnants, ne soyons pas bégueules). Erickson a prouvé qu'il n'était pas nécessaire de vivre dans une maison bleue accrochée à la colline pour explorer le cosmos musical, et il a même poussé le vice jusqu'à être encore plus barré que ses collègues de la côte Ouest, notamment avec l'intégration de la cruche électrique, que l'on entend très bien sur l'excellent single "You're Gonna Miss Me".
D'ailleurs, sans les 13th Floor Elevators, il y a fort à parier que la carrière du trio le plus célèbre du Texas, ZZ Top, n'aurait pas eu la même allure : en effet, Billy Gibbons a commencé sa carrière dans les Moving Sidewalks, un groupe psychédélique qui doit énormément à l'influence d'Erickson, comme le montre bien le nom d'un de leur singles, "99th Floor".
Erickson est important parce qu'il est un chanteur hors pair, capable de donner de manière aussi crédible dans la mélancolie bouleversante ("Splash 1" sur le premier album des 13th Floor) que dans l'agressivité hard rock digne d'un Bon Scott ("Two Headed Dog" qui ouvre The Evil One). C'est aussi un très grand compositeur, et c'est d'ailleurs par ce biais que je l'ai découvert, puisque j'ai d'abord entendu parler de lui lorsque le groupe Ghost a sorti son EP de reprises If You Have Ghost en 2013. Le titre qui donne son nom à l'EP est une pure merveille signée Erickson, et la très belle reprise est produite par Dave Grohl. C'est ce même Dave Grohl, avec son documentaire Sonic Highways consacré à Austin, qui a exposé Erickson à un nouveau public, preuve de plus que sa musique est un trésor qui ne demande qu'à être découvert encore et encore. Bonne écoute !

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